Supplique

Chers voisins, chères voisines

J’ai quelque chose à vous dire mais comment vous le dire ?
Alors je vais vous l’écrire mais même comme ça,
J’sais pas comment vous l’écrire.
Des mois des mois que je le retourne dans ma tête
Et sous mon crâne ça tempête !
Alors aujourd’hui, c’est décidé !
En poète que je suis, je vous le dis !
Je prends ma plume et vous livre ce qui me consume !

Ne m’en voulez pas, je demande juste une petite faveur
A celui ou celle qui le matin de très bonne heure
– ou même à n’importe quelle heure
quand l’envie lui prend une fois sur le palier,
de sortir son paquet, sa porte bien tirée,
et d’allumer, impatient, une cigarette,
de ses voisins faisant fi saperlipopette !

Vous savez ce petit bâton de joie
qui je crois vous procure beaucoup d’émoi
à la fumée baladeuse et lascive,
et qui sous toutes les portes
se glisse à l’aise et offensive,
franchissant le seuil de la mienne
olé olé sans y être conviée.

Je vous en veux pas !
Mais lui, mon petit nez, ça le chatouille,
Ca le gratouille et il pestouille !
Il s’irrite et me précipite dans des éternuements
Qui m’emportent et me déportent tant et tant
Que mon aorte crache et crame too hot !

Ces volutes conquérantes lui font perdre la tête!
Encore si c’était des volutes d’un autre genre,
Je vous dis pas qu’il ne partagerait pas,
Car là évidemment on est vite à la fête sur une autre planète !

Oh chers voisins, c’est bien malgré moi
que je me fais le porte-voix
de ce nez si rebelle et paternel !
mais c’est bien lui le roi chez moi
et à chaque fois, je dois me plier à sa loi !

De grâce, chers voisins, exercez votre noblesse
Et transportez ailleurs vos envies d’ivresse
Donnez donc plus d’air à vos séduisantes volutes !
Offrez-leur une scène taillée à leur mesure
Offrez-leur la rue, le ciel et l’espace !
Et sans nul doute c’est avec grâce et sans laisser de trace
Qu’elles pourront tout à leur guise
S’y déployer sans craindre crise !

Très chers voisins, vous m’en voyez bien marrie
de vous d’exiger aujourd’hui un tel sacrifice
mais par pitié, respectez mon appendice
évitez-moi son ire et cessez de le faire frémir !

Au nom de la liberté du souffle, je déclare :
Que chaque narine puisse respirer l’air qui lui convient
Et seulement frémir à l’odeur d’un lapin cuisiné au thym !